Bail commercial et grosses réparations

Immeuble en copropriété ayant des travaux à réaliserBail commercial : distinction entre grosses réparations et réparations d’entretien

La distinction entre grosses réparations et réparations d’entretien est au cœur de nombreux contentieux, ou du moins de nombreuses crispations entre bailleurs et locataires en matière de baux commerciaux. En cause, l’interprétation du fameux article 606 du Code civil :

 

« Les grosses réparations sont celles des gros murs et des voûtes, le rétablissement des poutres et des couvertures entières ; Celui des digues et des murs de soutènement et de clôture aussi en entier. ».

Ces dispositions étaient traditionnellement interprétées de manière limitative. La Haute juridiction restreignait ainsi à cette énumération les travaux ne pouvant faire l’objet d’un financement par le locataire et nécessairement imputables au bailleur (Cass. Civ. 3e, 25 oct. 1983, n° 82-11.261), conformément à l’article R. 145-35 du Code de commerce :

« Ne peuvent être imputés au locataire :

1° Les dépenses relatives aux grosses réparations mentionnées à l’article 606 du code civil ainsi que, le cas échéant, les honoraires liés à la réalisation de ces travaux ; »

Plus récemment, la Cour de cassation est revenue sur cette interprétation traditionnelle pour considérer finalement l’énumération comme extensible. C’est ainsi qu’en 2005 elle a jugé de manière générale que :

« les réparations d’entretien sont celles qui sont utiles au maintien permanent en bon état de l’immeuble tandis que les grosses réparations intéressent l’immeuble dans sa structure et sa solidité générale ». (Cass. Civ. 3e, 13 juill. 2005, n° 04-13.764)

Dès lors, la liste de l’article 606 n’était plus qu’illustrative de ce principe.

C’est ce que confirme l’arrêt du 21 avril 2022 de la 3e chambre civile de la Cour de cassation :

Vu les articles 606 et 1134 du code civil, ce dernier dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :

5. Il résulte du premier de ces textes que les réparations d’entretien sont celles utiles au maintien permanent en bon état de l’immeuble, tandis que les grosses réparations affectent l’immeuble dans sa structure et sa solidité générale.

6. Aux termes du second, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

7. Pour accueillir la demande, l’arrêt retient, d’une part, que, lorsqu’une clause du contrat met à la charge du bailleur les grosses réparations édictées par l’article 606 du code civil, celui-ci doit supporter toutes les réparations d’entretien utiles au maintien permanent de l’immeuble et non uniquement celles strictement énoncées par l’article précité et, d’autre part, que le remplacement des fenêtres constitue une grosse réparation.

8. En statuant ainsi, sans relever que les travaux en litige intéressaient l’immeuble dans sa structure et sa solidité générale, la cour d’appel a violé les textes susvisés.

C’est ainsi que, comme en l’espèce, il convient de rechercher si des travaux de remplacement de fenêtres ne sont pas des grosses réparations en ce qu’ils intéresseraient l’immeuble dans sa structure et sa solidité générale.

L’approche sera particulièrement déterminante, nous semble-t-il, au regard des obligations de rénovation énergétique. Preuve, s’il en fallait, qu’il est tout à fait essentiel de veiller à la parfaite rédaction des clauses de répartition des charges entre bailleurs et locataires !

Source : Cass. Civ. 3e, 21 avr. 2022, n° 21-14.036
Pour aller plus loin : Loyers et copr. n° 6, juin 2022, comm. 102.