Indemnisation de l’agent immobilier

De l’importance de distinguer mandat d’entremise et mandat de représentation

Dès lors qu’un agent immobilier titulaire d’un mandat d’entremise présente un candidat acquéreur au vendeur, la vente n’est pas formée. L’agent immobilier n’est en effet pas habilité à accepter l’offre formulée par l’acquéreur au nom du vendeur.

De manière générale, cette spécificité est d’une importance capitale en matière de vente immobilière.

Elle l’est particulièrement en matière d’exécution de l’éventuelle clause pénale prévoyant l’indemnisation de l’agent immobilier de sa non rémunération en cas de refus du mandant de réaliser la vente. C’est ce que vient de rappeler la Cour de cassation sur le fondement des articles 1er et 6 de la loi HOGUET du 2 janvier 1970.

Pour mémoire, l’article 6 de cette loi dispose en particulier que :

 « Aucun bien, effet, valeur, somme d’argent, représentatif d’honoraires, de frais de recherche, de démarche, de publicité ou d’entremise quelconque, n’est dû aux personnes indiquées à l’article 1er (agents immobiliers notamment) ou ne peut être exigé ou accepté par elles, avant qu’une des opérations visées audit article (ventes immobilières notamment) ait été effectivement conclue et constatée dans un seul acte écrit contenant l’engagement des parties ».

Pas de vente, pas d’indemnité !

C’est pourquoi, afin que l’agent immobilier puisse se prévaloir des dispositions de la clause pénale, faut-il qu’il y ait vente. Cela suppose donc, avant d’invoquer le bénéfice de la clause, que l’agent immobilier s’assure du constat de cette vente, en fraude de ses droits. La clause pénale doit en effet permettre, d’après la jurisprudence de la Cour de cassation, l’indemnisation de l’agent de l’attitude frauduleuse du vendeur qui aura conclu la vente « secrètement » avec l’acquéreur présenté par lui. La Cour de cassation l’exprime ici en des termes clairs :

6. Il en résulte que le mandat d’entremise donné à l’une de ces personnes ne lui permet pas d’engager son mandant pour l’opération envisagée à moins qu’une clause ne l’y autorise expressément, de sorte que le refus du mandant de réaliser la vente avec une personne qui lui est présentée par son mandataire ne peut lui être imputé à faute pour justifier sa condamnation au paiement de dommages-intérêts, à moins qu’il ne soit établi que ce mandant a conclu l’opération en privant le mandataire de la rémunération à laquelle il aurait pu légitimement prétendre.

En l’espèce, cela ne paraissait pas être le cas, la Cour d’appel n’ayant pas constaté cette vente. Aucune indemnisation de l’agent immobilier ne pouvait donc être envisagée sur le fondement de la clause pénale stipulée au mandat d’entremise, contrairement à ce qu’avait décidé le juge du fond.

7. Pour condamner Mme [M] à payer à l’agent immobilier, à titre de dommages-intérêts contractuels, une indemnité égale au montant de la rémunération prévue, l’arrêt retient que celle-ci a refusé de signer la promesse de vente sans motif légitime et que ce refus constitue un manquement aux obligations générales du mandat qui précisent que le mandant s’engage à signer, au prix, charges et conditions convenues, toute promesse de vente ou compromis avec tout acquéreur présenté par le mandataire, ladite obligation étant effective jusqu’au terme de l’engagement d’une durée de trois mois.

 

8. En statuant ainsi, alors qu’il résultait de ses constatations que la vente n’avait pas été effectivement conclue, de sorte que l’agent immobilier ne pouvait se prévaloir des dispositions de la clause litigieuse, la cour d’appel a violé les textes susvisés.

 

PAR CES MOTIFS, la Cour :

 

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 17 septembre 2020, entre les parties, par la cour d’appel de Rouen ;

Pour aller plus loin à propos de l’indemnisation de l’agent immobilier :