Obligation de délivrance et bail commercial

L’obligation de délivrance du bailleur commercial toujours au cœur des contentieux

L’article 1719, au visa duquel est rendu un récent arrêt de la Cour de cassation, précise l’obligation de délivrance y compris en matière de bail commercial :

« Le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu’il soit besoin d’aucune stipulation particulière :
1° De délivrer au preneur la chose louée et, s’il s’agit de son habitation principale, un logement décent. Lorsque des locaux loués à usage d’habitation sont impropres à cet usage, le bailleur ne peut se prévaloir de la nullité du bail ou de sa résiliation pour demander l’expulsion de l’occupant ;
2° D’entretenir cette chose en état de servir à l’usage pour lequel elle a été louée ;
3° D’en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail ;
4° D’assurer également la permanence et la qualité des plantations. »

Cette obligation fondamentale doit être exécutée tout au long de la relation contractuelle et s’appréciera tant sous un aspect matériel, que juridique ou de conformité à la destination contractuelle des locaux.

C’est ainsi qu’en matière de bail commercial, d’après la Haute Juridiction, la location d’un local construit sans permis de construire peut-être constitutif d’une inexécution de l’obligation de délivrance. En censurant l’arrêt d’appel, la Cour de cassation rappelle ainsi qu’il importe peu qu’un trouble soit manifeste pour constater une inexécution de la délivrance juridique des locaux. Cette décision s’inscrit ainsi dans une jurisprudence désormais bien établie.

« Vu l’article 1719 du code civil :

4. Selon ce texte, le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu’il soit besoin d’une stipulation particulière, de délivrer au preneur la chose louée et d’entretenir cette chose en état de servir à l’usage pour lequel elle a été louée.

5. Pour rejeter la demande de la société La Vénitienne en résolution du bail, l’arrêt retient qu’elle exploite le local litigieux, conformément à sa destination de commerce de pizzas à emporter, depuis la signature du bail, et que l’absence de régularité de la situation administrative du local n’a pas d’incidence directe sur l’exploitation quotidienne du fonds de commerce et ne peut légitimer le non-paiement des loyers.

6. L’arrêt retient, encore, que le défaut de permis de construire affectant le local commercial, dont les consorts [D] ne démontrent pas qu’il puisse être régularisé, est source de troubles d’exploitation consistant en des difficultés pour assurer les lieux, de fortes restrictions quant aux capacités de développement du commerce, ainsi qu’en une limitation drastique de la capacité du preneur à vendre son fonds du fait du risque de perte du local d’exploitation en cas d’injonction administrative de démolir.

7. En statuant ainsi, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le texte susvisé. »

On rappellera enfin à ce sujet qu’aucune clause ne peut décharger le bailleur d’exécuter son obligation, celle-ci étant d’ordre public. Elle est en effet constitutive de l’obligation essentielle en contrepartie de laquelle le locataire doit lui payer un loyer !  Il est donc particulièrement important pour le rédacteur, comme pour le bailleur, de procéder à toutes les vérifications utiles avant la mise en location du local.