Détournement de fonds par le syndic de copropriété non-professionnel

Syndic bénévole rime parfois (aussi) avec gestion financière frivole !

Couverture de l'ouvrage intitulé le syndic de copropriétéSi la responsabilité des syndics est parfois recherchée (seulement 0,7% du contentieux de la copropriété)[1], la majorité des litiges paraît concerner des syndics professionnels. Ce n’est pas étonnant dans la mesure où ils sont très largement majoritaires (environ 92%)[2]. Pour autant, des décisions judiciaires font ressortir des situations litigieuses avec des syndics non professionnels dont la responsabilité civile est également judiciairement recherchée. Arithmétiquement, bien-sûr, ces litiges ne représentent qu’une infime part du contentieux de la copropriété.

Malgré ces occurrences peu fréquentes, que ce soit à Paris, Bordeaux ou Lyon comme en l’espèce, les fautes du syndic non-professionnel d’une copropriété peuvent avoir des conséquences très graves. Elles sont même parfois plus graves que celles du syndic professionnel. C’est notamment le cas lorsqu’il est question de détournement de fonds par le syndic de copropriété non-professionnel. En effet, en pareille situation le syndicat des copropriétaires ne bénéficiera pas de la garantie financière que le syndic professionnel doit souscrire.

Suspicion de détournement de fonds par le syndic non-professionnel de copropriété et 1ère instance.

En l’espèce, un copropriétaire avait exercé pendant 12 ans les fonctions de syndic bénévole. Un autre copropriétaire lui avait ensuite succédé aux fonctions de représentant du syndicat des copropriétaires. Ce dernier prétendait avoir découvert des irrégularités comptables et financières. Il avait alors fait assigner au nom du syndicat son prédécesseur en paiement de la somme de 48 000 euros. Malgré une expertise comptable non contradictoire qui avait mis en évidence les irrégularités, le syndicat avait été débouté de ses demandes par le TGI de Bourg.

La procédure d’appel.

Le syndicat interjeta donc appel et sollicita une expertise judiciaire afin de prouver le détournement de fonds par le syndic de copropriété non-professionnel. Il l’obtint par arrêt avant dire droit. L’expert-comptable désigné a alors conclu à « l’existence tant d’irrégularités de gestion à proprement parler que d’irrégularités comptables ». Il a ainsi pu confirmer l’existence de :

  • recettes non comptabilisées
  • recettes comptabilisées n’apparaissant pas sur les relevés
  • dépenses comptabilisées non justifiées
  • dépenses réelles inscrites sur les relevés bancaires mais non comptabilisées
  • retraits en liquide non comptabilisés (pour 13 526 euros…)
  • l’absence de remise des espèces en caisse

La Cour d’appel de Lyon a en conséquence condamné l’ancien syndic ayant commis des fautes « d’une particulière gravité » au paiement de la somme de 41 630,27 euros, avec intérêts au taux légal, sur le fondement des articles 1992 du Code civil (qui nous rappelle avec pertinence la qualité de mandataire du syndic) et 18 de la loi du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis.

La Cour condamna en outre l’ancien syndic au paiement des frais d’expertise judiciaire de 9 000 euros ; outre 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Conclusions.

Si, de manière générale, l’administration non professionnelle des syndicats, et en particulier des petites copropriétés, ne pose aucune difficulté, le conseil syndical surveillera tout de même avec une attention particulière les comptes en raison des conséquences aggravées d’un détournement de fonds du fait de l’absence de garantie financière. A défaut de l’empêchement de la réalisation de ce détournement, le syndicat ne bénéficiera pas du « préfinancement » par la garantie financière du montant de la perte financière. Surtout, si le syndic bénévole s’avère insolvable in fine, aucune garantie financière ne sera mobilisable.

C’est pourquoi il pourrait être envisagé une réforme partielle du mécanisme de la garantie financière en présence d’un syndic non-professionnel, qu’il soit rémunéré, bénévole ou dit coopératif :  que les syndicats de copropriétaires soient obligés tant d’assurer contre les risques de responsabilité civile son représentant que de souscrire une garantie financière[3].

Notes.

[1] Selon les chiffres de la DACS, les actions en responsabilité et révocation contre le syndic ne représentent que 271 actions sur les 41 687 demandes formées en droit de la copropriété devant les juridictions du premier degré en 2018.

[2] D’après le registre des copropriétés, au 3e trimestre 2021, 273 025 syndicats de copropriétaires sont administrés par un professionnel. 24 745 le sont par un non-professionnel ; On notera que sur les 493 786 syndicats immatriculés au 3e trimestre 2021, 186 016 syndicats seraient sans syndic. En fait, il s’agit surtout de syndics qui ont « oublié » de mettre à jour le registre. Cet oubli entraîne le détachement automatique, après un certain délai, de la fiche du syndicat de leur compte de télédéclarant… La part du volume des syndicats désorganisés dans cet ensemble est ainsi difficile à déterminer. En outre, parmi les autres, la proportion de ceux administrés par des professionnels et des non-professionnels est impossible à déterminer. Néanmoins, en 2013, la part des syndics professionnels serait de 90,7% des syndicats selon l’INSEE (source : Les conditions de logement en France, éd. 2017, Insee Références), ce qui correspond au ratio 273 025 // 24 745.

[3] V° sur le sujet de la garantie financière du syndic, P.-E. Lagraulet, Le syndic de copropriété, Edilaix, 2021, p. 90 et s.


L’arrêt sous format PDF : Cour d’appel de Lyon – ch. civile 01 B – 14 septembre 2021 – n° 19-00576